Comment persuader les entrepreneurs de respecter l’environnement, sans forcément passer par la case boycott ? Si le bâton ne marche pas toujours, brandissez une carotte : votre argent !
Le concept marche. La preuve : à San Francisco, lors de la première carottemob organisée en mars 2008, l’épicerie K&D Market a pu réunir 9 200 dollars et en utiliser 22 % (soit environ 2 000 dollars) dans le remplacement de ses vieilles ampoules par un éclairage plus économe en énergie. Et l’épicerie a tenu promesse.
Quoi de mieux pour un commerçant que la perspective de gagner en une seule fois beaucoup de sous ? Tel est le principe des carottemob’, ou opérations carotte : organiser des ruées dans des magasins choisis, en compagnie d’une foule d’autres acheteurs. À une condition : que le commerçant s’engage à verser une partie de l’argent qu’il a gagné durant l’opération, dans des actions respectueuses de l’environnement.
Celles-ci peuvent aller de chambouler son mode d’éclairage pour faire des économies d’énergie, à la mise en place d’un récupérateur d’eau de pluie ou de panneaux solaires photovoltaïques générateurs d’électricité. L’intérêt ? Contrairement au boycott, le carottemob est une incitation positive et pragmatique, qui fait du consommateur un véritable acteur et non pas une victime.
Né aux Etats-Unis l’an dernier, ce concept d’activisme consumériste (c’est le terme employé par son fondateur, Brent Schulkin, 28 ans et ancien de Google) fait des petits partout dans le monde. Belgique, Finlande, Suisse, Pays-Bas, Canada, Australie… Sur le site carrotmob.org, on peut savoir s’il existe une organisation de ce type dans son pays, repérer les opérations organisées prochainement près de chez soi et s’inscrire par internet si on est intéressé. Aux Etats-Unis, l’initiative a fait un buzz grâce aux réseaux sociaux de type Facebook, MySpace et Twitter.
Mais ces opérations ne se font pas d’un coup de carotte magique. La mobilisation, à la fois de plusieurs centaines de personnes et des commerçants intéressés par le projet, demande du temps et de l’huile de coude. Concrètement, il faut choisir le quartier à envahir, démarcher les commerçants, les convaincre de participer au projet, communiquer sur celui-ci, contacter des associations de consommateurs… Aux Etats-Unis, c’est Virgance, une entreprise à but lucratif, qui gère toute cette organisation.
Et en France, où en est-on ? Malheureusement, il n’existe pas d’entreprise gérant les carottemobs. A Bordeaux, l’équipe du site écolo française Ecolo-Info (ecoloinfo.com) s’est heurtée au manque de moyens. « L’idée est extrêmement stimulante, mais trop difficile à mettre en œuvre avec seulement des bénévoles », explique Anne-Sophie Novel, membre de l’équipe. Pour Thomas van Zwol, de l’association européenne des coopératives de consommateurs (Ndlr : regroupements de membres, qui détiennent le magasin dont ils sont aussi les clients), « se pointer à 100 devant un magasin, une fois, ça peut bien sûr faire un petit buzz médiatique et mettre l’entreprise en question en valeur, mais l'aide-t-on sur la durée ? ». Ajoutant que « c’est une approche conso-guérilla que je trouve peu pérenne, (…), spontanéiste , mais qui ne permet pas un soutien dans le temps aux « bons » producteurs ». Le concept a ses limites, donc. Mais il a le mérite d'avoir un impact médiatique.
La carotte n’est pas oubliée en France. Anne-Sophie Novel, qui a développé Ecolo-info, précise qu’une opération de type « carotte » sera peut-être lancée à Bordeaux en octobre, « mais de manière plus durable, différente de ce qu’il y a eu aux Etats-Unis ». Une opération devrait également voir le jour d’ici quelques semaines à Paris à l’initiative des Green Drinks. Même si la consommation ne change pas forcément, Anne-Sophie reste optimiste : l’acte de consommer donne « le pouvoir de faire changer les choses : on passe du boycott, au buycott ».
Par Diana Semaska


















